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Nos Citadelles

12 août 2008

France / Société

Quand nos différences s’effacent devant nos choix de vie

« Elle était là, devant nous, belle comme jamais, à la peau blanche, les cheveux souples châtains, aux yeux grands ouverts, brillants à l’idée de prononcer  un grand ‘OUI’ pour le meilleur comme pour le pire …Au pas dansant, elle avance, son cœur battant la chamade. Le son de sa voix, si douce et affirmée, ne m’a pas laissé indifférente…cette jeune fille au courage sans précédent, puisqu’elle voulait devenir femme et imposer ses choix de vie…une vie avec lui, son homme  brun et élancé, aux traits durs mais au cœur fin, la démarche fière et sereine, ne regardant qu'elle, cette belle sirène, aux lèvres maquillées de rouge. »

Ils ont franchi le pas de l’engagement : «  je te veux » crié haut et fort, devant nous, l'assemblée, avec les familles, les amis, les curieux. Ils ont enfin officialisé leur union pour la vie. Elle sort, ma belle sirène, de la salle de mariage et jette son bouquet. C’est un homme aux cheveux blancs qui l’attrape et me barre la route, car au fond d’elle, elle me l’a destiné ce bouquet. Elle m’a dit avec sa voix si douce : «  j’ai vraiment fait mon possible pour qu’il te soit destiné.. ». Je souris et me dis :" ah, ma belle sirène, si tu savais, que le mariage pour moi, n’est qu’une parade et je ne saurai être actrice, je me contenterai d’être spectatrice, je laisserai le destin décider pour moi."

Les regards étaient rivés sur eux, ce couple symbolisant une union des temps modernes : des générations issues de culture différente, mais qui passées par l'école de la République finissent par se ressembler. Première, deuxième génération issue de l'immigration, ces termes prennent place dans le débat public et nous sommes face à notre propre histoire. Nous sommes Français d’origine algérienne, marocaine, italienne, portugaise, polonaise etc

L’identité des parents rattrape celle des enfants, dans un espace laïcisé par un travail d’histoire, d’engagement politique et social. Cette même identité transmise d’une manière consciente ou inconsciente réapparaît, interpelle et donne à réfléchir. Nous sommes en progression constante en tant qu'entité attachée à un espace, celui de la société. Cette dernière est toujours en mutation, et nos référents se modifient, se complètent, et s'influencent peut être. Les racines sont présentes à travers le regard d'une maman arabe ou musulmane attachée à son foulard blanc comme une pureté de l'âme, tout en clamant "Allah, te bénisse mon fils et te protège"...Ainsi cette notion culturelle est transmise d'une manière anodine, peut être non voulue mais se présente dès lors comme un fait accompli. La figure du père protecteur, nostalgique de sa jeunesse sans comprendre vraiment celle d'aujourd'hui traduit à son tour ce lien si présent, si fort, si inconditionnel qu'on ne peut transcrire sur papier, car il dépasse notre sens raisonnable et notre regard pragmatique à l'occidental. La complexité de la construction des liens qui unissent des enfants issus de parents immigrés traduit un schéma de pensée qui n'est pas forcément contradictoire à cette notion de jouissance de la citoyenneté française mais apparaît comme un surplus à celle ci. Au contact du regard du Français 'moyen,' cela ressemble peut-être une non assimilation aux valeurs françaises, ou peut-être à un détachement senti et voulu pour marquer sa différence car encore une fois, peut-être s'agit-il d'un malaise? s'agit-il d'un rejet de cette identité non appropriée dans sa perception par rapport aux Français "moyen"?

Le jeune couple aborde la vie avec une simplicité et une naïveté sans précédent. Qu'en est-il des aînés? Ces derniers acceptent que leurs fille et fils se choisissent mutuellement, nous sommes dans les temps modernes et surtout en République française, garante des libertés individuelles. Nous avons le droit d’aimer, d’espérer, de se choisir, de se fréquenter, et même de vivre ensemble avant le mariage,  symbole sacré pour certains, prétextes pour d'autres.

Les familles se croisent à la fête de mariage de leurs enfants, chacun avec ses différences. Les incompréhensions mutuelles ont fait que je n'ai pu résisté à l'envie d’agir, de parler, et de jouer à la médiatrice. J’étais actrice dans ce schéma de pensée. J’étais interpellée, concernée. L'organisation de la fête plus que le couple est devenue prétexte de discorde tant différait de part et d'autre les représentations sur ce moment. Je n’étais guère en train de lire un livre, j’étais en train de vivre une situation de confusion, de non communication, malgré les bonnes intentions réciproques. Une culture française avec toutes ses traditions se heurtait à une autre, arabe, algérienne et musulmane.

Ma belle sirène devait respecter les traditions de la famille de son mari, par amour pour ce dernier mais en prenant en même temps une certaine distance, ayant épousé son mari et non pas sa famille. Cela dit, ce dernier est attaché à des traditions familiales beaucoup plus codifiées et à des pressions plus lourdes que celles pouvant exister du côté français. Les traditions du mariage arabe et plus particulièrement algérienne, révèle une domination de la famille du mari sur celle de la famille de la mariée. Car cette dernière quitte le foyer parental pour accéder à l'espace de la famille du mari. Elle quitte son habit de jeune fille et porte les habits offerts par le mari, symbole d'union. La mariée est considérée comme une princesse d'un soir aux yeux des invités. Le spectacle doit répondre aux normes exigées par la famille du mari. La famille présente la femme que leurs fils a choisi. Elle doit être belle, la plus belle avec un habillement propre à leurs traditions. Mais attention, cet habillement peut paraître un déguisement pour les étrangers à cette culture. La notion de la beauté est remise en cause, la notion de l'art de vivre est également remise en cause...Des différences de perception de la vie réapparaissent et marque avec un trait rouge la déchirure que suppose la différence de l'autre, de l'étranger!

Les aînés ne se comprennent pas. Ils n'ont jamais essayé de se connaître. Ils se critiquent mutuellement, se guettent avec méfiance. Ils oublient que ce qui les a réunit à cette fête est l'union de leurs propres enfants. Ils ignorent les risques de fracture que peuvent entraîner leurs réactions. Pourquoi tant d’incompréhension ? Pourquoi tant d’impartialité dans la perception de l’autre ? De celui, qui est différent, et ce tant d'un côté que de l'autre ?

Le regard français sur une culture arabe qui soulève beaucoup de méfiance souligne le côté envahissant des femmes, de leurs cris de joie, y voyant une forme d'agressivité tant dans les couleurs, que dans la musique; Les gestes et les danses de ces femmes rondes soulignent un côté très coquin des femmes arabes, ceux de leurs filles, identiques montrent l'importance de la transmission des traditions. Ma Sirène a mis son voile de sari à l'entrée de la grande salle réservée pour l'occasion, elle a fait quelques pas à côté de son mari sous un ruban rouge au son des youyous, elle a pris une datte et du lait.

Ma sirène a eu droit également à une séance du henné, deux grandes bougies suspendu à sa gauche et à sa droite, allumées pour illuminer sa vie future auprès de son mari. Le henné symbolise l'affection, souhaitée pour sa vie future.

Ses traditions faites pour marquer le rang social de la famille demeurent bien incompréhensibles pour la famille française, se sentant exclue de la fête, spectatrice en colère.

La détresse de ma belle sirène se lisait aux traits de son visage. Inquiète et prise d’incompréhension par ce qui l’entourait, elle, si minutieuse, observatrice, prévenante et délicate, se trouvait alors impuissante devant un spectacle qui la dépassait : "comment dois-je agir ? Que dois-je faire devant des murs qui se dressent devant moi ? " La réalité revient vite au galop, et ma belle sirène prend conscience et le réveil est si dur. La différence de l’autre reste encore un sujet complexe, voire tabou.

Ce mauvais scénario du mariage me rappelle la réaction, unique et généreuse, d’un jeune homme, avec qui les affinités se dessinaient malgré nos différences culturelles flagrantes. Nous avons abordé, il y a quelque temps, le sujet des mariages algériens et ses traditions. « Je trouve l’organisation exceptionnelle, et la mariée change de robe toute la soirée. C’est beau. On ne se marie qu’une fois dans sa vie, et on doit s'en souvenir. Rien à voir avec les mariages français, qui sont très classiques. » me dit-il, très convaincu. Etonnée comme jamais par ce témoignage venant d’un Français, je suis perplexe et reste sur mes propres positions, préférant un mariage classique. Entre nous, je me suis souvent demandée, qui était d’entre nous l’arabe, si c’était moi, ou enfin de compte lui. Le traiter d’arabe ne le dérangeait guère et j’avais surtout l’impression, que cette interpellation le ravirait. Peut-être que l’idée de la différence s’évanouit devant un tel comportement, et puis les distances entre les différences s’effacent par nos propres réactions et choix de vie. Un petit clin d’œil à celui qui se reconnaîtra dans l’autre, celui qui est différent.

Enfin, moi, qui suis arabe musulmane algérienne et française, je vous dis à vous les mariés Mazeltov!

Nina BENAMAR

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11 août 2008

Algérie/Société

FEMMES : UN VOILE OU DES VOILES

Aujourd’hui, à l’ère d’A.Bouteflika, l’Algérie semble sortir des années de braise et de violence incompréhensible perpétrée au nom d’un islam politique. La rue algérienne apparaît apprécier les changements sécuritaires actuels. En revanche, le discours des citoyens reste perplexe en ce qui concerne l’évolution sociale et économique de l’Algérie. « Le pays du gaz et du pétrole…n’arrive pas à dépasser les problèmes du chômage, de l’éducation…», disent-ils. Il est important de noter que les hydrocarbures demeurent le fondement de l’économie algérienne puisqu’ils représentent 90% des exportations et 65% des recettes de l’Etat.

Cela dit, il est intéressant de comprendre le développement des mœurs et de s’interroger sur une question sociale : comment expliquer l’accroissement du nombre de femmes voilées depuis deux ans, âgées pour la plupart entre 16 et 30 ans ? Cette nouvelle réalité sociale prend de l’ampleur de plus en plus dans les rues des villes algériennes et s’accroît également dans les diverses facultés du pays. Quand on interroge ces femmes, tous milieux confondus, sur les raisons qui les poussent soudainement à se voiler, leurs réponses varient : « je ne me sentais pas tout à fait entière et juste vis-à-vis de mon créateur, alors que je lui devais obéissance. En mettant le voile, j’ai accompli un acte important dans la vie d’une musulmane.. » ; « l’islam m’a éclairé et surtout  il a apaisé  mes souffrances intérieures. Je devais donc me corriger et ainsi assumer mon statut de vraie musulmane... ». Ainsi, y aurait-il de fausses musulmanes ? « oui,  celles qui disent qu’elles le sont mais qui ne se voilent pas. Que Dieu ait pitié d’elles et éclaire leur chemin».

D’autres femmes expliquent cette volonté personnelle de se voiler du jour au lendemain, par l’influence qu’a eu sur elles l’émission éducative islamique d’Amr Khaled , diffusée sur la chaîne télévisée arabe « Iqrak », et sponsorisée  par le royaume d’Arabie Saoudite. « Je trouve cet homme très sincère dans ses propos. Amr Khaled m’a permis de découvrir ma religion. Une religion qui ne me force pas dans mes choix de vie d’ici et Dieu nous permet à tous de nous laver de nos pêchés antérieurs » dit Farida, 29 ans, infirmière et mère de trois enfants.

« Cette émission est très intéressante, les spectateurs finissent par pleurer suite au discours d’Amr Khaled. On dirait un ange qui parle, tellement il arrive à attirer l’attention et le respect. Je suis parmi celles qui se sont voilées à force de suivre son émission et écouter ses propos sur la vie d’ici et de l’au delà » affirme Asmaa une jeune étudiante  en droit de 26 ans.

Un autre témoignage d’une jeune adolescente, Safia, 17 ans : «  je me suis voilée car je voulais remplir une condition importante pour être une vraie musulmane. Dieu nous a conseillé de  nous voiler.  Et dans ces préceptes coraniques, il y a une morale à tirer de cette obligation. En étant voilée, je ne suscite pas  les regards masculins, et ainsi je gagne le respect de la famille, et de la société. »

Amr Khaled est un jeune prédicateur de 37 ans, diplômé de l’Ecole de Commerce du Caire. Il est né en 1967 à Alexandrie dans une famille modeste et intellectuelle. Il porte la moustache et non la barbe, s'habille en costume cravate. Il est pieux et moderne. Il doit son succès auprès de la jeunesse arabo-musulmane à son discours passionné et habile, mêlé d’humour. En outre, il est très charismatique. Il prêche les comportements du bon musulman et l'histoire de l'islam. Son approche reste basée sur l'émotionnel, mais reste mêlée de spectacle et de message marketing. Ainsi, il affirme que le port du voile est « une obligation de l’islam pour sauvegarder l’intégrité de la femme et de la société ». Et le mot islam voulant dire « soumission aux mots de Dieu », « vous devez obéir même si vous ne comprenez pas » explique-t-il.

Outre les nouvelles motivations qui poussent ces femmes à se voiler aujourd’hui, il est intéressant de noter que le mode vestimentaire du port du voile est lui aussi nouveau. En effet, il s’agit d’un voile porté différemment de celui dit « à l’iranienne » (le tchadour). Ce voile porté est une figure nouvelle de l’affirmation féminine dans la société algérienne. Il ressemble au voile porté au Moyen Orient. Ce dernier est l’effet immédiat de l’influence des chaînes télévisées qataries.

A cet effet, la couverture médiatique audiovisuelle propre aux pays arabes et du Golfe a importé un modèle de femme arabo-musulmane sous l’image du voile « moderne ». Ces femmes sont belles, coquettes, maquillées avec leurs voiles de toutes les couleurs, plein de gaîté, en soie ou en crêpe de chine. Elles arrivent à garder avec ce voile leur féminité. Elles parviennent également à séduire en étant dans les normes des musulmanes qui pratiquent ainsi un islam progressiste. Elles se disent croyantes, respectueuses des coutumes et des traditions. Les « voilées à l’oriental » pratiquent l’Islam avec une vision moderniste importée d’ailleurs, et ce, incontestablement par le biais des chaînes télévisées arabes.

Cependant, il existe d’autres formes de voile dans les rues algériennes qui ne relèvent guère d’une pratique d’un islam moderne. Ainsi, celui dit « à l’iranienne » (le tchadour)  a fait son apparition suite à l’évolution du terrorisme islamiste en Algérie, depuis la fin des années 80. Ce voile est également importé d’ailleurs mais avec une connotation politique. Il est porteur d’un projet de société basé sur la Shâria. Le tchadour est une robe noire qui cache entièrement le corps, au point de ne pas entrevoir les mouvements mêmes des pieds lors de la marche. Un voile, également de couleur noir, couvre tout le visage, laissant entrevoir seulement les yeux. Cette forme de voile est peu répandue mais elle reste bien présente dans les rues algéroises, oranaises ou même constantinoises. Cet état de fait peut traduire un résidu de l’idéologie islamiste, qui n’a pas tout à fait disparu de la scène politique algérienne.   

En outre, on peut identifier deux autres sortes de voiles dans la société algérienne. Le premier est un voile sous la forme d’un foulard ajouté à une djellaba (un habillement propre aux traditions marocaines). Ce voile « foulard et djellaba » est souvent porté par des femmes d’un certain âge, mais il y a également des jeunes femmes qui le portent. Contrairement au voile à l’oriental et à celui à l’iranienne, ce foulard et djellaba n’a aucune signification religieuse. Cela dit, il traduit une pratique traditionnelle propre aux mœurs algériennes traduisant le « respect », comme le formulent beaucoup de père, grand-père, mère et grand-mère…Le deuxième voile est porté sans conviction, ni religieuse, ni culturelle. Il s’agit soit d’une djellaba accompagnée d’un foulard, ou d’une robe longue cachant soigneusement le corps également porté avec un foulard ; dans les deux cas il n’est pas difficile d’identifier ce genre d’habillement. Il est déguisement ponctuel que les femmes utilisent pour jouir d’une certaine liberté de déplacement, une volonté de parcourir l’espace des hommes sans être confrontées à leur agressivité. Les femmes cachent  leur corps et leurs cheveux, mais derrière un tel habillement existe d’autres femmes. Autrement dit, derrière le voile se cache leur « je » ou leur « jeux ». Ces femmes optent pour ce genre de voile pour se  protéger du reflet souvent violent que leur offre la société des hommes. Une manière pour elles de se fondre dans la foule  et de ne pas se faire remarquer.

Sous une vision plus politique de la question, on peut constater que le violent séisme qui a touché l'Algérie en mai et juin 2003 a donné lieu à un regain d'intégrisme visant particulièrement les femmes. Pour certains imams le séisme est une "punition de Dieu, en colère contre les femmes dénudées, impudiques, qui ne portent pas le hidjab" (foulard). A cet effet, ils lancent une véritable fatwa, encourageant le lynchage de ces " suppôts de Satan". Ainsi des jeunes femmes ont subi des agressions dans plusieurs localités.

La société algérienne reste patriarcale. Elle exige des femmes de se couvrir. Les femmes ne doivent pas montrer leurs corps car celui-ci est sacralisé par la religion musulmane.« La femme qui se respecte doit cacher son corps, pour ne pas susciter les regards masculins » disent-ils, selon leur imaginaire. A cet effet, le voile reste une figure symbolique de la soumission de la femme.

Cependant, les premières expériences du port du voile en Algérie sont associées à la décennie noire. Cette dernière est marquée par l'activisme des groupes islamistes armés. Les femmes ont représenté un terrain de revendication religieuse et politique dans le cadre d'un futur  projet de société en Algérie. Les leaders d'un islam politique ont affiché leur volonté de faire des femmes algériennes, des femmes voilées selon les traditions et les préceptes coraniques. Une initiative pour une ré-islamisation de la société  algérienne, où toutes les combines sont légitimes. Dans ce sens et suite à l’arrêt du processus électoral en 1992, des affiches ont servi de porte-voix aux activistes islamistes. Elles étaient collées sur plusieurs murs des lycées et des facultés algériennes. Ces affichages ont incité les femmes à se voiler, et ont prévenu du sort réservé à celles qui ne le porterait pas. Ce discours était illustré par des versets coraniques. Suite à ces événements, beaucoup de femmes se sont voilées, sans être convaincues de leur acte. Car ce dernier n’est à aucun moment un choix délibéré. N’oublions surtout pas de mentionner qu’un nombre non négligeable de femmes algériennes ont été victimes du terrorisme islamique. Elles étaient kidnappées, violées, torturées… Elles étaient un butin de guerre pour les jihadistes. Ces derniers pratiquaient le mariage de jouissance comme récompense de leur combat au nom d’Allah. A cette époque les femmes étaient contraintes, là aussi de porter le voile, mais par peur d’être kidnappées, violées ou tuées.

Aujourd’hui,  la réalité de la société algérienne a changé et le nombre de femmes qui optent pour le port du voile par conviction augmente. Comment comprendre ce choix ? Est-il en relation avec l’évolution de l’islam dans le monde ?

Certes, l’émission d’Amr Khaled fait un travail de propagande auprès des femmes arabes. Donc, le jeune prédicateur contribue à son niveau à faire de la propagande de l’islam progressiste. Par ailleurs, les événements du 11 septembre ont apporté à leur tour une nouvelle conception de l’islam. Pour J.Derrida, il  s’agit d’un traumatisme, d’une menace d’un pire est à venir.  ( y-a-t-il des Etats voyous ? La raison du plus fort, Le Monde diplomatique, Janvier 2003, P10). Effectivement, depuis cet attentat perpétré contre les Etats Unis, les musulmans connaissent une certaine crispation autour de leur religion. L'islam politique est né et suscite la curiosité des peuples du monde. Car ces derniers travaillent pour comprendre les fondements de cette religion. Cet islam politique a fait des hommes et des femmes, de véritables bombes humaines afin de faire raisonner sa présence. Pour Med Arkoun l’islamisme est une instrumentalisation du religieux à des fins politiques. L’islamisme devient le sujet alarmant des médias et des pouvoirs politiques dans le monde entier. Il s’agit donc d’un islam politique globalisé.  -Assistons-nous à un retour du religieux ?- Samuel Huntington évoque le choc des civilisations. Le monde se divise en plusieurs civilisations. Ces dernières agissent comme un seul homme sur la scène internationale puisque l’alliance entre les pays qui les composent est naturelle. Ce conflit inter-civilisationnel qui fait suite aux conflits entre princes, nations, et idéologies des époques précédentes, est inéluctable puisque les civilisations, formées sur la base de valeurs morales et politiques incompatibles, sont animées par la quête de la survie, l’accroissement de leur influence voire la domination de toutes les autres-. ( S.Huntington, The Clash Of Civilisation, Foreign Affairs, 1993.)

Devant cette évolution de l’islam mêlé à des causes politiques, les musulmans des pays arabes se voient montrer du doigt. Cette démarche a poussé beaucoup de personnes de confession musulmane à approfondir leurs connaissances sur leur propre religion. Dans la majorité des cas, les résultats de leur recherche les ont convaincu d’embrasser l’islam, et rejeter l’islam-politique.

C’est dans ce sens que les femmes en Algérie ainsi que celles des pays arabes par leur choix de porter le voile à l’oriental embrassent l’islam progressiste et témoignent avec leurs convictions d’une nouvelle réalité de l’islam. « Ce dernier peut tout à fait être en corrélation avec l’occident ; il est porteur des graines de la modernité et ne rejette guère la démocratie …»  affirment les femmes algériennes.

Pour Gilles Kepel cet état de fait a donné lieu à des confrontations voire à un chaos, qui met en péril le Moyen –Orient , qui menace ses lieux saints et déchire le tissu social, représente la hantise séculaire des oulémas, les docteurs de la Loi. Il le nomme fitna, ou guerre au cœur de l’islam-. ( Fitna, guerre au cœur de l’islam, Gallimard, 2004.)

Aujourd’hui, en Algérie les nouvelles voilées ne sont pas représentatives d’un islam politique. Elles sont souvent très jeunes et rentrent dans un cursus de mode vestimentaire importée d’ailleurs. Cela n’empêche pas qu’elles revendiquent une identité religieuse, qui n’est pas forcément en contradiction avec la modernité et l’Occident. Elles ne font pas de la propagande, contrairement aux femmes voilées des années 90. Ces dernières étaient attachées à des partis politiques islamistes et activées pour recruter des adeptes.

En conclusion, cet essai d’observation sociologique sur les différentes tendances au port du voile témoigne de la complexité du développement des mœurs en Algérie après une décennie de violence. En même temps on ne peut exclure le rôle de l’évolution des événements sur la scène internationale et les retombées de ceux-ci sur  la société  algérienne ainsi que les conséquences qu’ils peuvent avoir sur  les autres sociétés arabo-musulmanes.

                                       Fatima Moussaoui

                                       Diplômée de Sciences Po Paris

Bibliographie :

S.Huntington, The Clash Of Civilisation, Foreign Affairs, 1993.

Gilles Kepel,  Fitna, guerre au cœur de l’islam, Gallimard, 2004.

J. Derrida,  Y-a-t-il des Etats voyous ? La raison du plus fort, Le Monde diplomatique, Janvier 2003.

Olivia Marsaud, Le cheikh des riches, Amr Khaled, prédicateur télégénique, afrik.com,  Août 2003.

Rapport du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, Algérie, 2003.

Témoignages de femmes algériennes recueillis en été 2004.

11 août 2008

Perspectives

Nos Citadelles

Une Devise : Un traitement de l’actualité, sous toutes ses formes socio-économiques, politiques, culturelles…Carnet de route, des voyages sur un thème donné.

Ce support internet se veut un moyen d’information et un relais d’opinion, qui vient en contre-point de la pensée unique donner une nouvelle vision de l’actualité française et internationale.  Elle suit une approche critique sur  des sujets dit «polémiques ». Elle se veut universelle, par sa diversité.

Nos Citadelles ne s’inscrivent dans aucun courant politique ou social. Elles s’inscrivent dans une dynamique de libre pensée, qui est la traduction de l’expérience et du volontarisme de jeunes chercheurs, de journalistes, de fonctionnaires, de juristes, d’artistes et d’étudiants…

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